1. Informations essentielles concernant la réinstallation depuis le pays d’urgence
La réinstallation dans une situation d’urgence engendre des risques. Les réfugiés qui ont cherché protection dans le pays d’urgence (en tant que pays d’asile) peuvent notamment avoir des besoins de réinstallation considérablement accrus et perdre l’accès à cette solution parce que les pays de réinstallation ne peuvent plus traiter efficacement les demandes de réinstallation ou les missions de sélection. Le HCR doit plaider et œuvrer pour la préservation de la capacité de traitement des demandes en vue d’accélérer la prise de décisions et les départs. La suspension de la réinstallation ou les retards aggravent les risques de protection et engendrent des problèmes de traitement des dossiers, les réfugiés étant contraints de se déplacer vers différents pays ou lieux, perdant ainsi le contact avec le HCR. La prise en compte des aspects suivants atténue les risques et favorise la continuité des activités lors d’une situation d’urgence.
1.1 Planification et préparation
On peut atténuer les principaux risques associés à la réinstallation en anticipant et en planifiant les nombreuses difficultés de traitement des dossiers qu’une situation d’urgence peut entraîner. Le cas échéant, il convient de tenir compte des aspects ci-dessous afin de préparer un traitement flexible des dossiers. Ces aspects doivent faire l’objet d’une discussion et d’un consensus entre les collaborateurs (enregistrement, détermination du statut de réfugié, protection, programme, etc.) et les partenaires clés (Organisation internationale pour les migrations, pays de réinstallation, interlocuteurs gouvernementaux) :
- Anticiper les besoins supplémentaires d’infrastructures et de logistique pour la poursuite du traitement des demandes si les services publics sont submergés ou s’effondrent. Il s’avère parfois nécessaire de financer certains arrangements (par exemple, le transport et l’hébergement des réfugiés dans le processus de réinstallation).
En 2023, après le tremblement de terre dévastateur qui a touché plus de 1,75 million de réfugiés, le HCR a immédiatement commencé à contacter par téléphone les réfugiés enregistrés, avec l’aide des autorités turques, pour évaluer leurs besoins de protection et traiter en priorité les demandes de ceux qui ont le plus besoin d’une réinstallation. Les infrastructures publiques ayant été détruites, le HCR a fait appel à une compagnie de cars pour conduire les réfugiés de leur camp jusqu’au lieu des entretiens de réinstallation. Airbnb a fourni au HCR une subvention en espèces pour offrir un hébergement temporaire aux réfugiés en attente de réinstallation. À l’aide de ces bons, l’organisation a réservé un hébergement au nom des réfugiés sur la plateforme en ligne, où des membres avaient mis leur logement à disposition dans le cadre d’une initiative solidaire. Les pays de réinstallation ont joué un rôle important dans la réaction au tremblement de terre : ils ont consenti à accélérer la réinstallation, assoupli les critères de sélection et les exigences liées aux pièces d’identité à présenter, financé des heures supplémentaires afin d’augmenter le nombre de missions de sélection et offert aux réfugiés un hébergement à l’hôtel dans l’attente de leur départ. Le HCR a demandé aux pays de réinstallation d’autoriser l’envoi immédiat des dossiers après le tremblement de terre, faisant ainsi de la réinstallation une intervention de protection immédiate et une solution durable pour les plus vulnérables.
- Tenez compte des implications en matière de protection et d’assistance d’un retard de traitement des demandes de réinstallation et d’organisation des départs (intensification des interventions en espèces, de l’aide en matière d’abris pour les réfugiés les plus vulnérables, etc.).
- Donnez la priorité à la transition vers la gestion numérique des dossiers, c’est-à-dire à l’utilisation complète de PRIMES, SharePoint et eSAFE. Si la gestion numérique des dossiers est une bonne pratique dans les contextes opérationnels habituels, elle est particulièrement importante dans les situations d’urgence où les dossiers physiques peuvent être perdus, endommagés, détruits ou inaccessibles.
- Veillez à ce que les garanties d’intégrité et de protection adaptées au traitement dans un contexte d’urgence soient documentées et intégrées à chaque étape du processus de gestion des cas afin de réduire le risque de fraude, de protéger les réfugiés et de préserver la crédibilité et l’efficacité des activités de réinstallation.
- Faites en sorte que les collègues susceptibles d’être évacués aient le matériel nécessaire pour poursuivre le traitement des dossiers de réinstallation à distance (accès à des ordinateurs portables, connexion, caméra, etc.) et que les personnes impliquées dans la gestion des cas (les membres du bureau du HCR fournissant un soutien de secours, par exemple) disposent d’un accès utilisateur PRIMES.
- Insistez sur le rôle essentiel que jouent, au sein des bureaux du HCR situés dans les pays voisins, l’accueil et l’enregistrement dans l’identification des réfugiés dont la demande de réinstallation dans le pays d’urgence est ou a été traitée. Assurez-vous que la communication et les systèmes facilitant la poursuite du traitement des dossiers dans le pays voisin (points focaux, demandes de transfert de données, etc.) sont en place.
- Identifiez les pays de réinstallation les mieux placés pour adapter le traitement des demandes au contexte d’urgence, c’est-à-dire les mieux dotés en installations opérationnelles, capacités techniques et ressources (y compris par l’intermédiaire des ambassades partenaires), afin de mettre en place des approches flexibles de traitement des demandes. Ces pays peuvent défendre des modalités de traitement adaptées au contexte et encourager les autres pays de réinstallation à contribuer à l’intervention d’urgence en adoptant un traitement simplifié, accéléré ou à distance des demandes, ainsi qu’en proposant des formalités de départ accélérées. Les pays de réinstallation qui mettent déjà en œuvre le traitement à distance peuvent être encouragés à se joindre à l’intervention et à faire part de leurs bonnes pratiques aux autres pays afin d’accroître leur capacité de traitement des dossiers.
Malgré le contexte instable après le coup d’État d’août 2023 au Niger, un pays de réinstallation a réussi à accélérer le départ des réfugiés dont la demande avait été acceptée. Il a adapté ses modalités de traitement afin de réduire la dépendance aux arrangements locaux. Il a notamment renoncé temporairement à la collecte de données biométriques, mis en place un centre local de demande de visa par l’intermédiaire d’un organisme délivrant des visas agréé dans la capitale, et délivré des documents de voyage par l’intermédiaire de ses services consulaires à l’extérieur du pays, qui remettaient ensuite les visas par l’intermédiaire d’un service de messagerie international.
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- Identifiez si et quand le HCR doit rediriger les demandes de réinstallation d’un pays de réinstallation vers un autre. Les situations d’urgence peuvent se répercuter sur les relations diplomatiques d’une manière qui entrave le processus de réinstallation dans certains pays de réinstallation. La décision de retirer les dossiers d’un pays de réinstallation et de les transférer à un autre doit être prise de manière transparente et en consultation avec les réfugiés concernés, les parties prenantes et les pays de réinstallation. Les cas de réinstallation urgents doivent rapidement être redirigés vers un autre pays.
- Encouragez les pays de réinstallation à accepter un afflux supplémentaire de réfugiés au moyen de soumissions immédiates et de formalités de sortie accélérées (par exemple, délivrance de documents de voyage en cas de fermeture de l’ambassade), pour faire de la réinstallation une intervention de protection immédiate. Envisagez d’utiliser des centres de transit d’urgence pour permettre ou accélérer les départs.
- Organisez des réunions d’information et de coordination régulières avec les partenaires de réinstallation. Veillez à ce que les informations en évolution rapide soient mises à jour et échangées pour que chaque partenaire puisse contribuer au mieux à l’intervention d’urgence. Le HCR doit se tenir prêt à aider les partenaires de réinstallation à simplifier les procédures, lorsque c’est possible.
1.2 Communication avec les réfugiés (consultez la section relative à la redevabilité envers les populations touchées)
Un autre risque majeur concerne la transmission (ou la rétention) d’informations génératrices de détresse et de confusion. Ces informations exposent les réfugiés à des risques, notamment de désinformation et d’escroquerie en matière de réinstallation, et peuvent provoquer des déplacements dangereux. On ne saurait surestimer l’importance d’une communication claire et pertinente sur la réinstallation. Tenez compte des éléments ci-dessous pour garantir une bonne communication lors de l’intervention d’urgence :
- Il convient de mettre en place des lignes d’assistance téléphonique ou des plateformes numériques dès le début d’une situation d’urgence, et de les mettre à jour en permanence afin que les réfugiés puissent :
- Accéder à des informations générales sur les services du HCR et son programme de réinstallation pendant l’urgence, et poser leurs questions aux principaux contacts.
- Bénéficier de conseils de réinstallation personnalisés concernant la continuité ou les retards de traitement de leur dossier.
- Communiquer facilement des informations de contact à jour. Il convient également de demander aux personnes si elles ont été déplacées vers un autre pays et de leur indiquer comment contacter le HCR en vue de la poursuite du traitement de leur dossier dans le nouveau pays ou lieu.
- Signaler les changements de situation, y compris les naissances et les décès en cas de réinstallation, ainsi que toute dégradation grave des circonstances qui justifient un traitement urgent.
- Les informations doivent être claires et évaluées en fonction des risques, et doivent tenir compte des besoins des réfugiés concernés. Le HCR doit communiquer de manière simple au sujet du processus de réinstallation et de ses perspectives, en expliquant les rôles et responsabilités des acteurs impliqués (procédures de départ gérées par un partenaire en particulier, procédures suivant l’acceptation menées par les pays de réinstallation et leurs partenaires, etc.). Il est recommandé de désigner un coordonnateur chargé de mettre continuellement à jour les canaux et plateformes d’information des réfugiés au sujet de la réinstallation. Le HCR veille à ce que les réfugiés soient tenus informés de la situation de réinstallation et de ses conséquences sur eux.
2. Informations essentielles concernant la réinstallation depuis un pays voisin en soutien à l’intervention d’urgence
- Les personnes qui étaient réfugiées dans le pays touché par la situation d’urgence et suivaient un processus de réinstallation active avant d’être déplacées de force vers un pays voisin doivent avoir accès au traitement continu de leur dossier depuis le nouveau pays d’asile. Le HCR assure la liaison avec les autorités compétentes et veille à la signature d’un accord de traitement du dossier et de départ vers le nouveau pays d’asile. Envisagez d’utiliser des centres de transit d’urgence pour permettre ou accélérer les départs.
- Conformément aux procédures opérationnelles standard, il est aussi possible d’organiser une réinstallation ciblée d’autres personnes particulièrement vulnérables, qui font partie de nouveaux mouvements lors d’une situation d’urgence, notamment les personnes qui n’ont ni perspectives d’intégration ni chances de retour. Envisagez d’utiliser des centres de transit d’urgence pour permettre ou accélérer les départs.
- Plus largement, il est possible de mettre en œuvre la réinstallation de manière stratégique pour contribuer à l’intervention d’urgence et atteindre d’autres objectifs définis dans les solutions, tels que la résolution des situations de réfugiés préexistantes ou prolongées dans le pays voisin afin que l’espace de protection se stabilise et que les frontières restent ouvertes aux nouveaux arrivants. De même, les pays de réinstallation peuvent faire preuve de solidarité en acceptant des réfugiés ayant des besoins médicaux ou d’autres besoins particuliers afin de soulager les systèmes de santé locaux, par exemple.
3. Améliorer l’accès aux voies humanitaires complémentaires
Collecte de données
Le plaidoyer pour la disponibilité de voies humanitaires complémentaires et la garantie d’une telle disponibilité nécessitent une collecte de données ciblée et bien organisée, idéalement fondée sur l’autodéclaration et des modalités hors ligne. Les champs de données qui aident à constituer une base de données factuelles pour le plaidoyer auprès des États et des partenaires en faveur de la création de voies complémentaires contribuant à l’intervention d’urgence fournissent des informations sur les membres de la famille à l’étranger, les besoins particuliers ou les profils à risque dans la population (défenseurs des droits fondamentaux, personnes LGBTIQ+, etc.). Dans la phase postérieure à la situation d’urgence, il est recommandé d’inclure des informations sur l’éducation, le travail et la langue dans un ensemble de données d’inscription élargi, en vue de l’élaboration de programmes autour de voies complémentaires fondées sur les compétences (telles que l’éducation et la mobilité du travail). Il existe différents moyens de collecter ces données :
- Autodéclaration des réfugiés au moyen de bornes en libre-service, de modalités en ligne (notamment les médias sociaux), de lignes d’assistance téléphonique et d’organisations partenaires.
- Évaluations rapides des besoins de la population.
- Le cas échéant, données des partenaires (idéalement interopérables avec proGres).
- Données de profilage de proGres (besoins particuliers ; facteurs d’âge, de genre ou de diversité ; autres facteurs de vulnérabilité propres à la situation).
- Observations du HCR sur le terrain, notamment dans le cadre du suivi de la protection.
Informations essentielles concernant le regroupement familial
- La prévention de la séparation des familles doit être une priorité. Le HCR doit contribuer à la recherche et la réunification des familles, notamment à l’aide de procédures d’enregistrement adaptées aux enfants, d’informations et d’un accès à une aide juridique et administrative par l’intermédiaire d’organisations partenaires. Les enfants isolés et non accompagnés doivent être soigneusement enregistrés auprès du HCR et orientés vers des interventions de protection de l’enfance conformément à leur intérêt supérieur.
- Le HCR doit plaider pour que les procédures de regroupement familial restent accessibles lors d’une situation d’urgence, grâce à des structures et plateformes de coordination existantes et à des négociations bilatérales. Il est nécessaire d’encourager les États à adapter leurs programmes aux contraintes du contexte d’urgence, par exemple en autorisant des dérogations procédurales qui préservent la cellule familiale et accélèrent le regroupement familial. Le HCR peut encourager les États à adopter d’autres assouplissements de procédure : renforcement de la coopération pratique et des partenariats entre les ambassades, le HCR et les autres parties prenantes (États, organisations non gouvernementales [ONG] et autres organisations internationales), établissement de modalités de traitement à distance ou renforcement des modalités existantes, mise en place d’un traitement prioritaire, conception de couloirs humanitaires ou de programmes de groupe destinés aux personnes déjà en processus de regroupement familial.
- Si les membres de la famille qui partent rencontrent des problèmes de sécurité urgents, ou si la situation d’urgence désorganise le cadre habituel d’aide au regroupement familial, le HCR peut envisager des interventions directes supplémentaires en fonction des capacités disponibles et selon une approche de gestion des risques.
- Les données de qualité sur la composition des familles et les parents à l’étranger permettent au HCR de plaider plus efficacement auprès des États et des autres partenaires pour l’accélération du regroupement familial en faveur des personnes éligibles touchées par la situation d’urgence.
Informations essentielles concernant les voies humanitaires
- Dans les situations d’urgence, les voies humanitaires peuvent constituer des solutions pour les groupes particulièrement exposés aux risques et faciliter ainsi le regroupement familial.
- Le HCR encourage les États à utiliser des visas humanitaires pour faciliter l’admission des réfugiés dans le cadre de programmes de voies humanitaires.
- Pour une bonne utilisation des voies humanitaires complémentaires, le HCR doit rassembler des données probantes sur les profils de risque et les besoins spécifiques au sein de la population touchée, et présenter ces éléments aux partenaires envisageant des voies humanitaires, notamment les États, les ONG, la société civile et les groupes confessionnels. En s’appuyant sur les sources de données démographiques pertinentes disponibles dans la situation d’urgence, des plateformes et cadres de coordination aux modalités de libre-service, en passant par le suivi de la protection et les données PRIMES, le HCR peut plaider de manière ciblée et éclairée en faveur de voies humanitaires qui répondent aux besoins identifiés.
Informations essentielles concernant les voies de parrainage
- Lors des situations d’urgence, des programmes de parrainage spécifiques permettent de canaliser l’aide communautaire en faveur des réfugiés dans des pays tiers.
- Dans la mesure du possible, le HCR peut conseiller les États, les ONG, la société civile et les groupes communautaires (notamment la diaspora) concevant des programmes de parrainage fondés sur les besoins de protection de la population touchée, par exemple en utilisant des données démographiques et des preuves provenant de l’intervention d’urgence.
- Dans les situations d’urgence, les personnes ayant une demande de parrainage active peuvent se heurter à des difficultés de procédure et d’accès aux ambassades. Dans ce scénario, le HCR encourage la souplesse en matière de procédures, notamment les modalités de traitement à distance ou la coopération entre les ambassades permettant le dépôt de demandes ou de documents dans les ambassades partenaires. Comme pour le regroupement familial, les États peuvent contribuer à l’intervention d’urgence en adoptant des approches alternatives permettant le traitement des dossiers et un départ des réfugiés aussi rapide et efficace que possible.