Aperçu
La sécurité de l’accès à la terre et à un logement adéquat joue un rôle essentiel, dans la mesure où elle facilite l’accès à un certain nombre de droits fondamentaux, notamment le droit à l’alimentation, à un abri, à l’eau, à l’assainissement, à la santé, au travail, à la sécurité, à la liberté de mouvement (pour n’en citer que quelques-uns) et constitue donc un facteur clé pour traiter les causes et conséquences des déplacements forcés.
Les questions liées aux terres sous-tendent de nombreux conflits. La rareté des ressources naturelles est souvent à l’origine des conflits portant sur les terres. Dans certaines régions, les déplacements font suite à un accaparement des terres, une occupation de force ou l’expropriation des terres par des acteurs étatiques ou non étatiques qui veulent les utiliser pour des constructions, des infrastructures ou des cultures commerciales. Les litiges prolongés portant sur des terres opposent souvent bergers et fermiers. Les acteurs étatiques ou non étatiques peuvent délibérément confisquer et détruire des logements, des terres et des propriétés dans le but de déplacer des populations, voire de procéder à un nettoyage ethnique. Les parties à un conflit peuvent volontairement détruire les registres fonciers, adopter des lois qui facilitent les expulsions fondées sur l’appartenance ethnique ou modifier arbitrairement les documents officiels relatifs au logement, aux terres et à la propriété. Les personnes déplacées de force peuvent également s’installer dans des zones où elles sont exposées aux inondations, à des munitions non explosées, à un recrutement forcé, à des enlèvements ou à d’autres risques.
Pertinence pour les opérations d'urgence
Dans bien des cas, les personnes déplacées de force perdent leurs titres d’occupation pendant le déplacement, ou n’ont jamais possédé de tels documents. Ces justificatifs sont pourtant essentiels pour les demandes de restitution et pour le règlement des litiges. Le logement, les terres et la propriété des bergers, des métayers et d’autres communautés peuvent être régis par des régimes fonciers coutumiers, qui ne sont pas toujours documentés ou reconnus légalement par le droit statutaire. Pour récupérer des actifs abandonnés, il peut être nécessaire d’apporter des preuves de propriété, d’occupation ou d’utilisation. Les personnes déplacées peuvent rencontrer des difficultés à étayer leurs demandes, en particulier en l’absence de témoins ou si des réformes adoptées à la suite d’une situation d’urgence (dans le but de limiter les demandes frauduleuses en matière de logement, de terres et de propriété) imposent de fournir des preuves écrites de leurs droits en la matière.
Conseils principaux
1. Comprendre les droits relatifs au logement, à la terre et à la propriété
Les droits collectivement appelés droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété sont interdépendants et se chevauchent parfois. Le droit au logement est le droit d’obtenir et d’occuper un logement sûr et sécurisé, dans lequel vivre en paix et dans la dignité. Le droit aux terres fait référence aux attributions de terrain, reconnues sur le plan social ou juridique. Le droit à la propriété désigne le droit de détenir une propriété et de décider de l’usage qui en est fait.
Les droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété vont au-delà du droit à un logement adéquat et à la propriété. La protection des droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété peut par exemple englober le respect du droit à l’alimentation, à la vie privée, à l’éducation et à la participation à la vie politique.
Les droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété peuvent être exercés sous de nombreuses formes, comme la propriété privée, la location de logements publics ou privés, les coopératives de logement, les baux, l’occupation ou la location dans des installations informelles, ainsi que les dispositifs coutumiers ou traditionnels.
Chacun, qu’il soit propriétaire ou occupant, doit jouir des droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété, garantissant une protection juridique contre les expulsions forcées, le harcèlement et d’autres menaces.
Lorsque des personnes sont expulsées de leur logement, leurs terres ou leur propriété, de façon temporaire ou permanente, contre leur volonté et sans bénéficier de formes appropriées de protection juridique ou d’une autre nature, il s’agit d’une expulsion forcée, autrement dit d’une violation grave des droits humains.
La discrimination, notamment la discrimination à l’égard d’une personne au motif qu’elle possède, loue ou occupe un terrain ou une résidence, est interdite par le droit international relatif aux droits humains.
2. Logement, terres et propriété dans les situations d’urgence
Différents types de régimes fonciers (statutaires, coutumiers et religieux) peuvent se chevaucher et/ou être en concurrence. Il est donc important de comprendre l’accord ou les accords fonciers prévalant ou le(s) plus largement accepté(s) au sein d’une juridiction donnée.
Si les mécanismes de la justice traditionnelle sont souvent accessibles et permettent de résoudre rapidement les litiges, leurs décisions peuvent ne pas être juridiquement contraignantes ou totalement impartiales. Y avoir recours pourrait perpétuer ou provoquer des discriminations.
Il convient de toujours tenir compte des expériences potentiellement différentes des hommes, des femmes, des garçons et des filles en matière de logement, de terres et de propriété.
Dans de nombreux territoires locaux (et des régions entières), l’accès des femmes au logement et à la terre est souvent soumis à l’autorité d’un homme de la famille. Les femmes chefs de famille peuvent être empêchées d’accéder à l’ensemble des droits attribués à leurs homologues masculins ou se voir interdire tout droit à l’héritage.
L’occupation secondaire des terres dans les situations de déplacement peut se produire de bonne foi ; elle doit être distinguée de l’occupation illégale ou de l’accaparement des terres.
Veiller à ce que le logement, les terres et la propriété soient pleinement intégrés dans le système des groupes sectoriels et promouvez la création d’un sous-groupe sectoriel dédié au logement, aux terres et à la propriété dans les opérations d’urgence.
Faciliter et favoriser la coordination entre tous les acteurs impliqués dans les questions relatives au logement, aux terres et à la propriété (Nations Unies, groupes sectoriels, gouvernement, ONG, donateurs, etc.).
Toutes les activités liées à l’utilisation des terres (que ce soit pour des abris ou à d’autres fins) doivent tenir compte de l’ensemble des lois et pratiques statutaires ou coutumières régissant l’accès aux terres, leur utilisation et leur mise en valeur au sein d’un territoire donné.
Recueillir dès que possible les informations pertinentes relatives au logement, aux terres et à la propriété. Prêter attention aux cadres juridiques nationaux et locaux formels et informels, aux occupations ou aux demandes d’occupation de terrains contestées dans le cadre des retours, ainsi qu’aux logements, terres ou propriétés que les personnes déplacées de force ont pu perdre ou être forcées d’abandonner.
Documenter, y compris au moyen de photographies ou d’images satellites, les logements, les terres et les propriétés avant et après les conflits.
S’assurer que les mécanismes de suivi et d’établissement de rapports sur la protection documentent les violations des droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété, et intègrent des indicateurs permettant de suivre l’ampleur et l’incidence de ces problèmes.
Encourager les personnes déplacées de force à protéger leurs documents relatifs au logement, aux terres et à la propriété, en les conseillant sur les moyens adéquats de le faire.
Enjoindre les autorités à prendre des mesures pour s’assurer que le déplacement ne provoque ni la perte ni la destruction des registres fonciers et immobiliers, des dossiers cadastraux ou des documents personnels qui peuvent prouver la propriété ou les droits d’occupation ou d’utilisation. Cela peut impliquer de veiller à ce que les registres et les dossiers soient conservés dans un endroit sûr et que des copies soient régulièrement emportées ailleurs, dans un lieu de stockage sûr (y compris des copies numériques, lorsque c’est possible).
Encourager les autorités à imposer un moratoire sur l’achat ou la cession de logements, de terres et de propriétés dans les zones en proie à des déplacements de population ou risquant fortement de l’être, afin de protéger les droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété une fois que le déplacement a eu lieu.
Organiser des campagnes d’information et de sensibilisation du public afin de décourager toute occupation illégale ou dégradation de logements, de terres et de propriétés abandonnés.
Phase post-urgence
Les questions relatives au logement, aux terres et à la propriété peuvent être des causes profondes, des déclencheurs ou des conséquences de la violence ou du conflit. Dans la plupart des situations d’urgence, le respect des droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété recule rapidement, ce qui retarde et complique les réponses et les solutions. Les acteurs impliqués dans une intervention d’urgence doivent connaître les pratiques et l’histoire locales en matière de logement, de terres et de propriété (à la fois dans la région d’origine et dans la région d’accueil) afin d’éviter de nuire. Ils doivent chercher des solutions en la matière dès le départ.
Dans de nombreuses situations, l’accès des personnes déplacées de force à un abri et à des terres facilite l’action humanitaire, que ce soit en leur permettant de se nourrir à court et moyen terme ou de devenir autonomes à plus long terme.
Apporter une assistance sans tenir compte des droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété peut entraver ou retarder les solutions. Ainsi, une intervention abordera plus facilement les questions de restitution, d’indemnisation et d’occupation lors de la phase de relèvement rapide si elle a déjà documenté les accords fonciers temporaires, les logements, les terres et les propriétés abandonnés, ainsi que les violations des droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété pendant la phase d’urgence.
Les réponses aux situations d’urgence ont des conséquences sur l’occupation des terres et les accords d’installation au niveau local. Si les acteurs humanitaires sont conscients des questions relatives au logement, aux terres et à la propriété dès la phase d’intervention d’urgence, ils risquent moins de provoquer ou d’aggraver, sans le vouloir, des litiges liés au logement, aux terres et à la propriété. (À titre d’exemple, des litiges sont susceptibles de survenir si les autorités locales attribuent des terrains privés pour y installer des camps, sans consulter les propriétaires ou sans les indemniser correctement.)
La protection des droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété peut favoriser l’égalité entre les genres et enraciner une identité culturelle, dans des sociétés dans lesquelles l’administration des terres est intimement liée à l’identité d’une communauté, à sa religion et à ses relations sociales.
Les objectifs du Pacte mondial sur les réfugiés mettent l’accent sur les alternatives aux camps, l’autonomie et l’accès aux systèmes nationaux (dans le contexte de retours sûrs et dignes et de l’allègement de la pression exercée sur les pays d’accueil), plaçant ainsi les droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété au centre des solutions envisagées.
Liste de contrôle
Personnes déplacées
- Le personnel du HCR et celui des organisations partenaires sont-ils familiers des pratiques, lois et coutumes locales relatives au logement, aux terres et à la propriété, tant dans les régions d’origine que dans les régions d’asile ?
- Les personnes déplacées ont-elles été interrogées à propos de leurs droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété et de l’état de leurs biens avant et après leur déplacement ?
- Des mesures ont-elles été prises pour enregistrer les logements, les terres et les propriétés des personnes déplacées, ainsi que leurs droits en la matière (par exemple, en numérisant les documents liés au logement, aux terres et à la propriété dans ProGres) ?
- Les personnes déplacées ont-elles été informées de leurs droits et obligations en matière de logement, de terres et de propriété ?
- Savent-elles quelles autorités et quels autres prestataires de services peuvent les aider à faire valoir ou à protéger leurs droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété ?
- Quels sont les mécanismes mis en place pour veiller à ce que les femmes et les autres groupes risquant d’être laissés de côté soient consultés sur les questions relatives au logement, aux terres et à la propriété, et à ce que leur avis soit pris en compte ?
- Si des mécanismes nationaux existent déjà, ont-ils besoin d’être soutenus pour permettre aux groupes à risque d’y accéder plus facilement ?
Gouvernement national/Autorités locales
- Les autorités connaissent-elles leur mandat et leurs obligations en ce qui concerne les droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété ?
- Savent-elles clairement de quels droits, procédures et institutions relèvent les différents groupes de population de la région concernée ?
- Les autorités locales (gouvernementales ou traditionnelles) ont-elles été consultées pour savoir à qui appartiennent les terrains sur lesquels sont installés les réfugiés, les déplacés internes ou les apatrides, et qui d’autre pourrait être affecté par le déplacement ?
- Quel est le régime foncier en vigueur dans la région concernée ?
- Quels sont les droits des personnes déplacées en ce qui concerne les logements, les terres et les propriétés qui leur ont été attribués ou qui ont été acquis d’une autre manière ?
- Existe-t-il un plan national pour le logement ? Le cas échéant, comprend-il des mesures d’urgence pour faire face aux déplacements (croissance des installations informelles, expulsions forcées, coût des loyers) ?
- Existe-t-il une politique foncière à l’échelle nationale ? Comprend-elle des dispositions sur les droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété des personnes déplacées de force ? Prend-elle en considération les aspects de la sécurité foncière liés à l’âge, au genre et à la diversité ?
- Par conséquent, quelle est la position stratégique de l’État sur les droits relatifs au logement, aux terres et à la propriété des personnes déplacées de force ?
- Une déclaration publique a-t-elle été faite concernant les transactions illégales et les demandes non fondées ayant trait aux logements, aux terres et aux propriétés abandonnés ?
- Les préoccupations liées au logement, aux terres et à la propriété en milieu urbain ont-elles été prises en compte ? Par exemple, les personnes déplacées ont-elles les moyens de payer les loyers actuels ? Les taux ont-ils augmenté en raison des déplacements ?
- Quel effet les déplacements ont-ils eu sur la disponibilité de logements suffisants ?
- Quels sont les mécanismes en place pour lutter contre les expulsions arbitraires ou pour protéger les personnes ayant le moins de ressources en cas de conflit ou de désaccord ?
- Les systèmes locaux de règlement des litiges fonctionnent-ils bien ? Les personnes déplacées de force y ont-elles accès ?
Communauté d’accueil
- Les propriétaires connaissent-ils leurs obligations envers les locataires au titre du droit national et international ?
- Les personnes déplacées et apatrides, les rapatriés et les communautés d’accueil (y compris les propriétaires et autres fournisseurs d’abris) connaissent-ils leurs propres droits et obligations, ainsi que les droits et obligations d’autrui ?
- Des comités mixtes (comprenant des personnes déplacées de force et des représentants des communautés d’accueil) ont-ils été constitués ? Œuvrent-ils ensemble afin d’aborder et de résoudre les problèmes liés au logement, aux terres et à la propriété ?
- La communauté d’accueil a-t-elle été consultée au sujet de l’emplacement des installations destinées aux personnes déplacées de force ou de l’expansion des zones urbaines ou résidentielles pour accueillir ces personnes ?
- L’accès aux services essentiels est-il comparable pour les populations d’accueil et pour les populations déplacées ?
- Les groupes ayant des difficultés à accéder aux services et aux ressources institutionnelles sont-ils clairement identifiés ? Quelles mesures peuvent être prises pour répondre à leurs besoins ?
- Lorsque des autorités informelles et traditionnelles sont consultées, les femmes et autres groupes à risque sont-ils libres d’exprimer leur avis ?
Normes
Indicateur 1.4.2 des ODD
Proportion de la population adulte totale qui dispose de la sécurité des droits fonciers a) de documents légalement authentifiés et b) qui considère que ses droits sur la terre sont sûrs, par sexe et par type d’occupation.
Indicateur COMPASS de réalisation de base 16.1
Proportion de personnes relevant de la compétence du HCR qui dispose de droits d’occupation sécurisés et/ou de droits de propriété sur un logement et/ou des terres.
Annexes
Apprentissage et pratiques de terrain
Liens
Contacts principaux
Division de la résilience et des solutions, Section des solutions complètes/Groupe de travail sur les solutions durables, Groupe mondial de la protection et domaine de responsabilité LTP.
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