Aperçu
Tels que définis dans les Directives d’Oslo de 1994, les ressources militaires et de protection civile (RMPC) « comprennent le personnel, le matériel, les fournitures et les services de secours fournis par des organismes militaires et de protection civile étrangers aux fins de l’assistance humanitaire internationale ». En outre, « on entend par organisme de protection civile* tout organisme qui, sous l’autorité d’un gouvernement, exerce les fonctions énumérées au paragraphe 1 de l’article 61 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949 ». Lorsque ces ressources sont placées sous le contrôle des Nations Unies, ils reçoivent la dénomination « UN RMPC ».
Par le passé, on opérait une distinction entre les domaines militaire et non militaire dans les situations d’urgence complexes. Toutefois, les forces militaires sont désormais de plus en plus souvent sollicitées dans le cadre d’opérations autres que les guerres, notamment pour la fourniture de secours et de services aux populations locales. Parallèlement, la nature fluctuante des situations d’urgence complexes modernes a entraîné une multiplication des difficultés opérationnelles rencontrées par la communauté humanitaire, ainsi que des menaces et des risques auxquels sont exposés les agents sur le terrain, poussant certains d’entre eux à solliciter, de manière ponctuelle, le soutien ou la protection des forces militaires. Par conséquent, la situation concrète sur le terrain a évolué de telle manière que diverses formes de coordination civilo-militaire sont devenues nécessaires à la mise en œuvre des opérations humanitaires.
Pertinence pour les opérations d'urgence
Le plus souvent, les situations d’urgence complexes s’accompagnent d’une forte insécurité, entraînent des dommages au niveau des infrastructures essentielles, paralysent les services de base et sont à l’origine de l’émergence de besoins humanitaires importants. Dans les environnements opérationnels d’urgence, de nombreux acteurs peuvent être sollicités pour apporter leur aide ou leur soutien. Toutefois, en cas de conflit ou de catastrophe naturelle, lorsque des parties prenantes civiles traditionnelles telles que les autorités publiques et les acteurs humanitaires ne sont pas en mesure d’intervenir, le recours aux forces militaires et autres acteurs armés constitue parfois le seul moyen de fournir l’aide nécessaire.
Il est important de noter que, lorsque des acteurs humanitaires et militaires interviennent pour répondre aux mêmes besoins, leur action doit fait l’objet d’une gestion rigoureuse afin de ne pas restreindre l’espace humanitaire ni compromettre le respect des principes humanitaires. En effet, le cas échéant, les acteurs humanitaires tels que le HCR risqueraient de devenir la cible directe des belligérants et de perdre tout accès aux populations affectées. D’autres opérations humanitaires pourraient également subir les conséquences d’une telle situation et la population affectée deviendrait alors à son tour la cible directe des belligérants.
Des facteurs tels que la perception de l’aide, la sécurité des travailleurs humanitaires et des personnes relevant de la compétence du HCR, ainsi que les besoins immédiats et vitaux de ces dernières doivent être soigneusement examinés avant de mobiliser l’armée et d’engager des ressources militaires ou de protection civile. En dernier ressort, il appartient aux décideurs de mesurer les risques pour les acteurs humanitaires et les conséquences sur l’efficacité de leurs interventions présentes et à venir, et de les comparer aux besoins immédiats de la population affectée, notamment en matière de RMPC.
Conseils principaux
Politiques, principes ou normes sous-jacents susceptibles d’éclairer la prise de décisions
Par l’intermédiaire du groupe consultatif sur l’utilisation des ressources militaires et de protection civile (RMPC) et du Comité permanent interorganisations (CPI), la communauté internationale s’est accordée sur les documents de référence suivants pour encadrer les interactions entre la communauté humanitaire et la communauté militaire :
- Directives d’Oslo : Directives sur l’utilisation des ressources militaires et de la protection civile étrangères dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe, novembre 2007 : pour l’utilisation en temps de paix des RMPC au service de l’action humanitaire dans les situations d’urgence découlant de facteurs naturels, technologiques et environnementaux.
- Guidelines On The Use of Military and Civil Defence Assets To Support United Nations des Humanitarian Activities in Complex Emergencies, mars 2003 : pour l’utilisation des RMPC en cas de conflit armé ou de situation d’urgence complexe.
- IASC Non-Binding Guidelines on the Use of Armed Escorts for Humanitarian Convoys, février 2013 : pour aider les acteurs humanitaires intervenant dans des situations de catastrophe ou d’urgence complexes à envisager toutes les conséquences d’un éventuel recours aux escortes armées dans le cadre de leurs opérations, à travers un cadre permettant de déterminer la pertinence d’un tel choix, d’en fixer les modalités et d’en optimiser l’efficacité.
- Principes directeurs et opérationnels de l’IASC régissant les relations entre civils et militaires et l’utilisation des ressources militaires, juin 2004 : document de référence mettant en lumière la nature et le caractère des relations entre civils et militaires dans les situations d’urgence complexes, les principes et les notions que la communauté humanitaire doit maîtriser pour pouvoir collaborer avec des acteurs militaires, ainsi que différentes réflexions pratiques.
Avant de collaborer avec des acteurs militaires ou de solliciter leur soutien en vue d’une aide humanitaire plus efficace dans les situations d’urgence ou de catastrophe, il est important de savoir quand appliquer ces directives, et de comprendre comment les mettre en œuvre.
Conseils relatifs à l’utilisation des ressources militaires et de protection civile
- Il convient de respecter les principes d’humanité, de neutralité et d’impartialité, conformément à la résolution 46/182 de l’Assemblée générale des Nations Unies. En vertu de ces principes, aucune ressource militaire ou de protection civile ne doit être utilisée à l’appui de l’action humanitaire si elle appartient à l’un des belligérants ou à une unité activement engagée dans les combats.
- Les demandes de ressources militaires doivent être formulées par le coordonnateur de l’action humanitaire ou le coordonnateur résident, en concertation avec l’équipe-pays pour l’action humanitaire et avec l’accord du gouvernement d’accueil (et non des autorités politiques), exclusivement sur la base de critères humanitaires.
- L’utilisation de RMPC par les organismes humanitaires doit demeurer une solution de dernier recours, c’est-à-dire réservée aux situations dans lesquelles aucune autre option civile ne permet de répondre, dans les délais requis, à des besoins humanitaires urgents.
- Toute opération humanitaire conserve sa nature et son caractère civils, quand bien même elle a recours à des ressources militaires. Si es ressources militaires elles-mêmes restent sous contrôle militaire, l’opération dans son ensemble doit être placée sous l’autorité générale et le contrôle de l’organisation humanitaire en charge et, plus largement, du coordonnateur de l’action humanitaire.
- Les activités humanitaires doivent être mises en œuvre par les organisations humanitaires concernées. Dans la mesure du possible, afin de ne pas brouiller la frontière entre les missions habituellement exercées par les parties prenantes humanitaires d’une part et militaires d’autre part, l’appui à l’action humanitaire fourni par les organisations militaires ne devrait pas porter sur l’aide directe.
- Dès le départ, l’utilisation des RMPC doit être limitée dans le temps, fondée sur un périmètre clairement défini et assortie d’une stratégie de retrait bien établie, indiquant comment les fonctions exercées par les acteurs militaires pourront, à l’avenir, être assurées par le personnel civil.
- Les pays pourvoyeurs de personnel militaire à des fins d’appui aux opérations humanitaires doivent s’assurer que le personnel en question respecte les différents codes de conduite des Nations Unies ainsi que les principes humanitaires.
- La coordination civilo-militaire à des fins humanitaires (UN-CMCoord) relève de la responsabilité du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), qui veille au bien-fondé et à l’efficacité du recours aux RMPC dans le cadre de l’aide humanitaire et des opérations de secours en cas de catastrophe. Pour y parvenir, l’OCHA doit créer des mécanismes d’UN-CMCoord permettant de faciliter les interactions et la coopération sur le terrain, tout en garantissant le respect des principes humanitaires et en protégeant l’espace humanitaire, aux côtés du coordonnateur de l’action humanitaire et en coordination avec l’équipe de pays des Nations Unies.
Quand tous les autres pourvoyeurs de RMPC se révèlent insuffisants, épuisés ou indisponibles, les organismes des Nations Unies (y compris le HCR) et les gouvernements des pays touchés par la situation d’urgence peuvent faire appel au Service de la coordination civilo-militaire de l’OCHA, généralement par l’entremise du coordonnateur résident ou du coordonnateur de l’action humanitaire. Si l’OCHA n’est pas présent dans la zone concernée, les bureaux du HCR doivent prendre contact avec le(s) coordonnateur(s) du HCR responsable(s) de la CMCoord au sein du Service de la sécurité sur le terrain.
Si des États membres des Nations Unies proposent leur aide en matière de RMPC, cette proposition doit être examinée avec prudence et en consultation avec le coordonnateur résident ou le coordonnateur de l’action humanitaire. En effet, si les retombées à court terme peuvent être positives, les conséquences et l’image associées à une collaboration avec des acteurs militaires peuvent avoir des effets négatifs à plus long terme, en particulier lorsqu’il est question d’une situation d’urgence complexe et que lesdits acteurs sont susceptibles d’être parties au conflit.
Il est tout aussi important de bien comprendre la notion de « dernier recours », telle qu’elle a été définie par le groupe consultatif sur les RMPC. Les ressources militaires et de protection civile ne doivent être mobilisées que lorsqu’aucune solution civile comparable n’a pu être trouvée et que les RMPC constituent le seul moyen de répondre à un besoin humanitaire urgent. Ces ressources militaires et de protection civile doivent donc présenter un caractère indispensable, tant par rapport aux capacités que du point de vue de la disponibilité. Les RMPC doivent être considérées comme des outils permettant de compléter les mécanismes de secours existants. Ils doivent être fournis à la demande ou avec le consentement de l’État affecté par la situation d’urgence et, en principe, sur la base d’un appel à l’aide internationale.
Le bien-fondé du recours aux RMPC doit être évalué en fonction du rôle assigné aux acteurs militaires. En effet, selon que l’aide fournie portera sur des services humanitaires directs ou indirects, l’intervention humanitaire s’expose à une dégradation plus ou moins forte de son image de neutralité, d’impartialité et d’humanité :
- L’aide directe désigne la fourniture directe et en face-à-face de biens et de services aux populations affectées. Plus visible, ce type d’aide est directement associé à la mise en œuvre de l’aide humanitaire et comporte donc des risques plus importants pour la réputation des acteurs humanitaires.
- L’aide indirecte n’est pas directement fournie à la population, mais séparée par au moins une étape opérationnelle. Elle est donc moins visible, mais peut malgré tout être associée à l’action humanitaire (par exemple, lorsque le transport des articles ou du personnel d’urgence est pris en charge par des véhicules militaires) et doit donc faire l’objet d’une gestion réfléchie.
- L’appui aux infrastructures peut être pris en charge par les RMPC dans le cadre d’une intervention d’urgence (réparation des routes, gestion de l’espace aérien, traitement de l’eau, etc.), sans que cela ne soit trop visible ou directement associé à l’action humanitaire. En effet, ce type d’intervention ne profite pas uniquement aux bénéficiaires de l’aide, mais également à la communauté d’accueil, par exemple.
De nombreuses urgences font peut-être déjà l’objet d’un déploiement de moyens militaires et la communauté humanitaire peut alors être perçue comme œuvrant aux côtés de forces militaires, en particulier dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Le cas échéant, il appartient au coordonnateur de l’action humanitaire de mettre au point des directives opérationnelles claires pour la coordination civilo-militaire dans le pays concerné. Ces directives seront élaborées en concertation avec l’équipe de pays des Nations Unies ou l’équipe-pays pour l’action humanitaire. Dans la mesure du possible, la création d’une cellule de CMCoord peut permettre de résoudre ou de désamorcer les problèmes dans les zones où les acteurs militaires sont déjà présents et apportent leur soutien à la population.
En cas de recours à des RMPC étrangères, l’État ou l’organisation bénéficiaire doit y avoir accès à titre gratuit, sauf accord contraire entre les États concernés ou disposition spécifique des accords internationaux. Dans le cadre des opérations de secours en cas de catastrophe, les dépenses liées à l’utilisation de RMPC étrangères doivent, en principe, être couvertes par des fonds autres que ceux réservés aux activités humanitaires et de développement.
Questions clés pour faciliter la prise de décision concernant le recours aux RMPC de manière générale :
- Les pays ou les entités pourvoyeurs de RMPC sont-ils parties au conflit ?
- Compte tenu des besoins, une unité militaire ou de protection civile sera-t-elle en mesure de s’acquitter de la tâche ?
- Quelle sera la durée du déploiement des RMPC ?
- Les RMPC peuvent-elles être déployées sans armes ou forces de sécurité d’appoint ?
- Comment l’association avec les MCDA affectera-t-elle la sécurité du personnel des Nations Unies et des autres travailleurs humanitaires ?
- Quelles seront les conséquences sur l’image de neutralité et d’impartialité des Nations Unies ?
- Quelles dispositions devront être prises en matière de surveillance et de coordination ?
- Quand et comment s’effectuera le transfert de responsabilité vers les acteurs civils ?
- À moyen et à long termes, quelles seront les conséquences d’un recours aux RMPC pour les personnes relevant de la compétence du HCR, les autres acteurs humanitaires et les opérations humanitaires ?
Remarques relatives au recours à des escortes armées à l’appui des convois humanitaires.
Les Directives non contraignantes du CPI sur le recours aux escortes armées pour les convois humanitaires (2013) aident à déterminer quand et comment faire appel à des acteurs militaires ou à toute autre forme d’escorte armée pour accompagner les convois humanitaires, en s’appuyant sur les procédures de gestion des risques de sécurité adoptées par les organismes des Nations Unies et les autres organisations. Elles tiennent compte de l’augmentation du nombre d’acteurs présents dans les zones d’intervention humanitaire concernées et des difficultés croissantes rencontrées par ces acteurs pour se conformer aux principes humanitaires dans le cadre de leurs missions. Le recours aux escortes armées doit faire l’objet d’une discussion entre l’équipe de coordination du dispositif de sécurité des Nations Unies et l’équipe de pays des Nations Unies ou l’équipe-pays pour l’action humanitaire, et d’une réflexion sur les retombées à court et à long terme.
Ces directives relatives à « l’utilisation des escortes armées pour les convois humanitaires » concernent exclusivement les convois humanitaires et ne sont pas destinées à répertorier les mesures nécessaires à la sécurité des camps, des installations ou à la protection des civils.
Avant de recourir à une escorte armée, il convient de répondre aux questions suivantes et de mettre en place un processus de gestion des risques de sécurité :
- Le programme est-il essentiel ?
- L’escorte permettra-t-elle de garantir le niveau de sécurité nécessaire ou risque-t-elle de compromettre la sécurité des acteurs humanitaires ?
- Cette solution est-elle viable ?
- L’utilisation d’une escorte armée est-elle la seule solution envisageable ?
Les organisations humanitaires des Nations Unies doivent éviter toute dépendance à l’égard des moyens militaires. Avant de faire appel aux RMPC, il appartient aux décideurs de mesurer les risques pour les acteurs humanitaires et les conséquences sur l’efficacité de leurs interventions en cours et à venir, au regard des besoins immédiats de la population affectée.
Utilisation des RMPC
Déterminer la nature du contexte opérationnel : catastrophe naturelle en temps de paix, environnement peu sûr ou situation d’urgence complexe ?
Procéder à un examen de la criticité des programmes afin d’identifier les activités de niveau PC1.
Bien comprendre la notion de « dernier recours » appliquée à l’utilisation des RMPC et déterminer si la situation concernée s’inscrit dans ce cadre.
Définir l’objectif, le périmètre et le calendrier précis du déploiement des RMPC et déterminer si ces dernières fourniront une aide directe ou indirecte.
Passer en revue les différentes RMPC disponibles et comparer leurs avantages respectifs et les risques correspondants.
Réfléchir à la meilleure façon de préserver la neutralité, l’impartialité et l’indépendance de l’aide humanitaire dans le cadre d’une éventuelle collaboration avec les entités pourvoyeuses de RMPC.
Pour tenir compte des risques pour l’ensemble des acteurs humanitaires, consulter chaque organisme participant à l’opération ou présent dans la zone concernée.
Le cas échéant, après approbation du recours aux RMPC par l’équipe de pays des Nations Unies ou par l’équipe-pays pour l’action humanitaire, transmettre la demande au coordonnateur résident ou au coordonnateur de l’action humanitaire.
Faire appel aux structures de coordination civilo-militaire pour communiquer avec l’entité pourvoyeuse de RMPC, coordonner l’action des acteurs civils et militaires et veiller au respect des valeurs des Nations Unies et des principes humanitaires.
Après avoir fait appel à des RMPC, rédiger un rapport en vue d’analyser cette expérience et d’en tirer des enseignements, puis le communiquer à l’équipe-pays pour l’action humanitaire et au(x) coordonnateur(s) du HCR responsable(s) de la CMCoord au sein du Service de la sécurité sur le terrain.
Contacts principaux
Administrateur principal de la sécurité sur le terrain, Service de la sécurité sur le terrain du HCR (Division des urgences, de la sécurité et de l’approvisionnement). Il est également possible de contacter le responsable de la CMCoord de l’OCHA dans le pays concerné
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